John Frusciante - Inside of Emptiness (Record Collection)
Tracklist :
1/ What I Saw
2/ The World’s Edge
3/ Inside a Break
4/ A Firm Kick
5/ Look On
6/ Emptiness
7/ I’m Around
8/ 666
9/ Interior Two
10/ Scratches
Avant de s’attaquer à l’album, il me paraît opportun de faire un retour sur le parcours de John Frusciante tant son histoire est aussi déroutante que passionnante.
Fan des Red Hot Chili Peppers, il assiste à un de leurs concerts alors qu’il est âgé de 15 ans. Il est alors époustouflé par le jeu de guitare de Hillel Slovak, instrument qu’il pratique lui-même depuis l’âge de 10 ans. Par l’intermédiaire d’un ami, il rencontre Flea (bassiste des Red Hot) avec qui il fait un bœuf. Dépourvu de guitariste fiable, depuis le décès de Hillel, Flea propose à Frusciante une audition. Il est alors âgé de 19 ans lorsqu’il est l’heureux élu.
Si le groupe ne connaissait jusque-là qu’un succès modéré, les choses ont vite changé, après le couronnement de Mother’s Milk sorti en 1989, et surtout celui de Blood Sugar Sex Magik en 1991, les Red Hot sont passés au statut de Rock Star. Battage médiatique, tournées aux quatre coins du monde, un rythme infernal les attend. Une popularité difficile à gérer, surtout pour John qui ne supporte pas ce changement soudain. Il sombre dans la consommation d’héroïne, et quitte le groupe lors d’une tournée au Japon en 1992, pour se consacrer à une carrière solo.
Las années blanches de John débutent. Cloîtré dans sa villa dans les collines de Los Angeles, il se laisse complètement aller aux drogues. À part la peinture plus rien ne semble le motiver.
Encouragé par ses amis, il parvient tout de même à sortir son 1er album solo en 1994 et un autre en 1997. Des œuvres psychédéliques, écrites sous l’effet de la drogue. À cette période, John est dans un piteux état physique et mental, en témoigne la vidéo réalisée par ses deux amis Johnny Depp et Gibby Haynes (Butthole Surfers) où l’on voit sa maison qui ne ressemble plus qu’à un squat : écritures sur les murs, bouteilles vides et détritus qui jonchent le sol... John apparaît à la fin, amaigri et cheveux rasés, clairement pas fringant. Il frôlera la mort à plusieurs reprises.
En 1997, il affirme dans une interview qu’il va mieux, part faire une cure de désintoxication et se remet doucement de ses blessures de ses années folles, mais gardera des séquelles puisqu’il en perdra toutes ses dents. Entre temps, les Red Hot ont enregistré un unique album One Hot Minute avec Dave Navarro à la guitare, qui connut un succès moins important que leur précédent opus. Dave est remercié après la tournée qui suit. Le groupe n’est pas au mieux, au bord du split. Flea et Kiedis se mettent d’accord pour recontacter Frusciante, il accepte avec grand plaisir de réintégrer le groupe, un plaisir partagé par Flea, qui apprécié fortement leur façon de travailler ensemble.
Ils se mettent à composer un nouvel album, Californication, John est enfin libéré de ses vieux démons, et profite pleinement de la vie et de la musique. Durant ses rares moments libres de la tournée, il écrit son prochain disque solo To Record Only Water for Ten Days. Il fera de même après la sortie de By The Way et fonde un side-project, Ataxia avec Joe Lally de Fugazi et Josh Klinghoffer. Ils sortiront deux albums entre 2004 et 2007. Entre temps, Frusciante se fixe un objectif : sortir 6 albums solo en 6 mois. Dont Inside of Emptiness.
Dans cet élan d’inspiration et de création, Inside of Emptiness est le 4ème opus de la série initiée en juin 2004 par The Will To Death et conclut par Automatics en décembre.
Dès l’introduction « What I Saw », le son est livré brut de décoffrage, gros riff de guitare saturé à souhait, même la voix de John grésille, l’ensemble donne à ce morceau un coté Stoner du meilleur effet, se concluant sur un savoureux solo.
Dans la même lignée « 666 », « Emptiness » et « Inside a Break », où l’on passe d’un couplet très calme à un refrain bien lourd, John pousse ses cordes vocales à la limite de la rupture. Si le chant n’est pas son meilleur atout, on s’habituera rapidement, d’autant plus que les compos sont d’une telle efficacité, qu’elle leur apporte une dimension supérieure, comme sur la sublime mélodie de « Scratches ».
Frusciante loin de la machine Red Hot, semble au mieux de sa forme, et confectionne des titres très personnels laissant libre cours à son imagination débridée. Il invite ses potes, dont Omar Rodriguez (guitariste de The Mars Volta) qui joue le premier couplet sur le titre « 666 ». Sur « I’m Around », Josh Klinghoffer qui d’ailleurs sera son remplaçant au sein des Red Hot s’occupe des parties batterie, basse, clavier, et participe également au chant et à la guitare.
Un ensemble cohérent, et énergique, qui se clôture en finesse, sans chercher à nouer avec le succès, et à faire des tubes. Frusciante aborde un genre auquel il ne nous avait pas habitué jusque-là, plus sombre que ses prédécesseurs, cet album oscille entre hard rock et grunge. Il nous prouve encore une fois ses talents de guitariste et de compositeur, et plus récemment de producteur.
Si sa discographie personnelle (13 albums depuis 1994), est jonché de quelques dispensables, il a réussi à créer un univers particulier, bien à lui, que nous vous recommandons vivement, àl'image de cet Inside of Emptiness.
Cette activité débordante lui a surement permis de trouver un point d’équilibre, et de garder les pieds sur terre, face au succès commercial rencontré par les Red Hot, mais elle est surement aussi le fruit d’un travail hors norme, exercé par celui qui dans sa jeunesse, passait la plupart de ses journées enfermé dans sa chambre à travailler son instrument et à peaufiner son jeu. Au sein des Red Hot Chili Peppers, il composa et enregistra les albums majeurs du groupe (Mother’s Milk, Blood Sugar Sex Magik, Californication, By The Way, et Stadium Arcadium, à la suite duquel il quitta le groupe en 2007).
Il continue depuis à composer, écrire et produire. Il a notamment participé à l’album 8 Diagrams du Wu-Tang Clan et invité RZA parmi d’autres rappeurs sur son album Letur-Lefr sorti en 2012.
JR