Pearl Jam @ M.E.N. Arena (Manchester), 21/06/12
Un concert de Pearl Jam est toujours un événement en soi. D'abord parce qu'en plus de vingt ans de carrière et une discographie riche, les gars de Seattle ont su tisser une relation unique avec leurs fans (avec un sens aigu du marketing diront les détracteurs). Ensuite, parce qu'il s'agit sans doute d'un des meilleurs groupes actuels sur scène et qu'ils rendent chaque concert unique, ne jouant jamais deux fois la même setlist et prenant ainsi un malin plaisir à surprendre leur public (pour mieux vendre les bootlegs ensuite persiflent ces mêmes détracteurs). Voilà pour les présentations.
Dans cette immense salle remplie de fans acquis à leur cause (les détracteurs ne sont pas là, ouf !), il y a de la tension dans l'air. Chacun attend, fébrile, l'arrivée des six gaillards (on n'oublie pas « Boooom » Gaspar aux claviers). Chacun attend les premières notes, celles de la délivrance.
Et tout démarre dans un fracas sonore, Mike McCready balance l'intro de « Go », le public exulte, Eddie Vedder se déchaîne, tel un fauve remis en liberté. C'est parti. À 2 000 à l'heure. On se croirait dans les nineties !
S'ensuit un « Animal » du même tonneau et l'excellente « Hail, Hail » (du très sous-côté « No Code »).
Décor minimaliste, pas d'effets de lumière superflues, juste ce qu'il faut, et un bon gros son qui claque. Le message est clair : ce soir, ça va envoyer.
« Good evening Manchester ». Salut Eddie, content que vous soyez de retour, vous nous avez manqué !
On reprend notre souffle pendant « I Am Mine » et « Wishlist » , tout en savourant ses moments magiques priant pour qu'ils durent (aaah le solo de McCready et les impros de Vedder...). Le groupe se lance ensuite dans une version dantesque d'even flow de près de huit minutes où Stone Gossard et Mike McCready se livrent un duel de grattes du tonnerre ! Comment se remettre de tout ça me direz-vous ? Eh bien une petite pincée de punk (« Lukin ») et un enchainement parfait avec « Not For You » dans laquelle Vedder démontre une rage toujours intacte envers toutes les personnes mal intentionnées qui gravitent autour du marché du disque juste pour le fric.
Le groupe alterne classiques (« Once », « Daughter ») et raretés (« Down », « Deep », « Present Tense », « Save You »). Seulement deux morceaux du dernier album en tout et pour tout (« Amongst The Waves » et « Just Breathe »), et c'est pas plus mal diront les détracteurs qui n'ont pas forcément tort ce coup-ci.
Une constante : tous s'éclatent comme des gamins et sont ravis d'être là. Or quand un groupe, après tant d'années, prend un pied d'enfer sur scène, ça se voit et ça fait du bien aux oreilles.
Et quand, en plus, la communion atteint son paroxysme, comme sur « Better Man » que le public entonne tout seul comme un grand (c'est devenu un classique pour celle-là), on vit alors de véritables moments de grâce et je mets au défi quiconque dans la salle de ne pas avoir les poils de bras qui s'hérissent (oui même toi, le dodu au fond, qui s'est enfilé quatre pintes)...
Premier rappel : une ambiance atmosphérique s'instaure, Matt Cameron a l'air de s'emmerder (en même temps il peut pas taper comme un sourd non stop pendant 2h30 c'est pas humain) et on se chuchote « c'est laquelle déjà celle-là ? ». Celle-là c'est « Inside Job » et maintenant qu'on a vu ça on n'est pas prêt de l'oublier. Et on ne s'excusera jamais assez d'avoir si peu écouté l'album de l'avocat. On se rattrapera en rentrant.
Jeff Ament s'arme ensuite d'une belle contrebasse et on a alors droit à la somptueuse « Off He Goes » (issue du décidemment trop sous-côté « no code »). Puis vient une belle version de « Just Breathe », le morceau « into the wild » de « backspacer ». Eddie Vedder l’interprète seul, acoustique et le dédie à deux jeunes gens qui ont fait leur demande en mariage sur ce morceau (quelle idée de choisir ce morceau, enfin...).
Vedder nous dresse ensuite la liste d'évènements qui ont eu lieu pour la première fois à Manchester avant d'en annoncer un nouveau : jouer pour la première fois sur scène l'improbable « Hitchhiker ».
Si on doute que l'évènement marque à jamais les habitants de Manchester, on est quand même assez touchés d'avoir droit à notre moment « historique ». Et puis si on n'est pas contents, v'la un bon vieux « Rearviewmirror » joué à fond les ballons, avec son final épique. Dantesque !
Deuxième rappel, ça sent le roussi. On pleure d'avance en se demandant quand est-ce qu'on va revoir ces génies mais pas le temps pour ça, savourons ces 25 dernières minutes.
Comme dans toute bonne fin de concert qui se respecte, le riff d'« Alive » débarque et nous traverse l’échine. Du coup, on se remémore pourquoi on aime tant ce groupe depuis tant d'années, ravis qu'il soit toujours debout (« still alive » ouais bon...). Et puis tiens, on n’avait pas encore eu de reprise. Point de « Baba O’Riley » ou « Rockin’ In The Free World » ce soir mais un « Sonic Reducer » (des Dead boys) du feu de dieu. 3’30 de folie pure, d’hystérie générale.
Voilà ça va être l’heure. Un petit « yellow ledbetter » des familles et au lit. On aimerait la détester celle-là parce qu’ils la jouent lumières allumées et on se dit que c’est la fin… mais quand McCready commence à jouer ses accords si limpides, si aériens, si… Hendrixiens, on ne peut que succomber. Et puis il y a cette voix, alors oui les paroles ne veulent rien dire mais le père Vedder il pourrait chanter « petit papa Noël » qu’on aurait quand même envie de pleurer.
Ils ont tous un grand sourire aux lèvres en quittant la scène laissant McCready se faire son petit kiff final en reprenant « Little wing ». Sa manière à lui d’enfoncer le clou.
Alors on s’incline. On dit merci messieurs, vous êtes des grands. Revenez quand vous voulez.
Et tant pis pour les détracteurs, ils ne savent pas ce qu’ils ratent.
Line-up : Eddie Vedder (chant, guitare rythmique), Mike McCready (guitare solo), Stone Gossard (guitare rythmique), Jeff Ament (basse), Matt Cameron (batterie), Boom Gaspard (clavier).
Setlist : Go, Animal, Hail, Hail, I Am Mine, Wishlist, Even Flow, Lukin, Not For You, Down, Amongst The Waves, Daughter/WMA, Deep, Present Tense, Once, Save You, Betterman/Save It For Later.
Rappel : Inside Job, Off He Goes, Just Breathe, Hitchhiker, Rearviewmirror.
Rappel 2 : Wasted Reprise, Life Wasted, Alive, Sonic Reducer, Yellow Ledbetter/Little Wing.
JL