Le Peuple De L'Herbe - Triple Zéro (Supadope/Pias)
Tracklist :
1/ Intro
2/ P.H. Theme
3/ Romantic
4/ Luvbit
5/ Electro M.J
6/ Herbman Skank
7/ Armaggeddon
8/ Reggaematic
9/ Groovambar
10/ Sexual Attraction
11/ Raggamatik (Dj Psychostick Rmx)
Passionné par la vie des insectes, le groupe a choisi de s’appeler Le Peuple De l’Herbe en référence au film Microcosmos. Non c’est pas crédible ? OK. Non effectivement le quatuor du peuple a plutôt un penchant assez prononcé pour l’herbe qui se fume. Leur logo est d’ailleurs tout sauf ambigu : un bouledogue avec une feuille de cannabis dans la gueule.
Le quatuor lyonnais formé par DJ Pee, DJ Stani, le batteur Psychostick et le trompettiste N’Zeng sort son premier album, Triple Zéro (encore une légère allusion à la fumette), en 2000. À cette période, la scène lyonnaise est en pleine ébullition avec l’avènement d’excellents groupes comme High Tone, EZ3kiel ou encore Meï Teï Shô. La même année, ils participent à la bande-annonce du film très controversé de Virginie Despentes, Baise-Moi, ce qui les aidera à se faire un nom.
Sur ce premier album le peuple est encore en rodage. Ils pensent avant tout à se faire plaisir, balancent du sample à tout-va, passent au blender tous les genres qui les branchent et observent ce qui en sort. Et malgré quelques imperfections, l’ensemble est des plus jouissifs.
Le jeune Sir Jean, alors chanteur de Meï Teï Shô, vient prêter sa voix sur « PH Thème », véritable ode à la marijeanne, et qui deviendra un hymne du groupe. Sur une basse massive et un beat hip hop le groupe vient nous expliquer à quel point c’est cool de fumer des oinjs. Et même si on ne capte rien aux paroles (à moins de comprendre le wolof), on adhère à fond et on ne tardera pas à les répéter en boucle.
On n’est pas là pour se prendre la tête mais pour s’éclater, partir en trip avec ce quatuor bien barré. On poursuit le délire avec « Romantic », basse de dingo qui tourne en boucle et manque de nous faire perdre la boule. Puis survient un break surréaliste aux claviers. Et le tout s’achève sur une rengaine ringarde au possible « amouuuur je te dois les plus beaux jours de ma viiiie. » Faites tourner c'est d'la bonne !
Les dealers de good vibes continuent la distribution avec un talent certain pour la navigation à vue. Quand on se dit que le groupe va s’appuyer sur une boucle bien trouvée pour dérouler durant 4 minutes un morceau abstract hip hop de très bonne tenue, les v’la qui passent la surmultipliée pour partir en Drum&Bass infernale (« Sexual Attraction »).
On a le sentiment que rien n’a été planifié avant l’enregistrement de l’album. Que tout n’est que freestyle, spontanéité et délire entre potes (à l’image d’« Elektro M.J. » qui part dans tous les sens). Mais loin d’être une critique, c’est ce qui fait la force de ce disque.
Le summum est atteint avec « Herbman Skank » qui vient recycler la basse de « Dub Fire » d’Aswad en version bourrée aux hormones (ou plutôt en THC en l’occurrence). L’irrésistible « Groovambar » qui porte très bien son nom avec sa rythmique tribale et sa basse funky fait également dans le festif. Et on se déhanche gaiement sur l’excellent « Reggaematic », un des rares morceaux où la trompette de N’Zeng se fait entendre (elle sera beaucoup plus en avant sur l’opus suivant).
S’il peut sembler un peu fourre-tout par moments, trop bordélique pour certains, l’album est avant tout un formidable laboratoire d’idées. Toutes les barrières sont brisées sans vergogne. Le Peuple de L’Herbe l’a bien compris : la musique n’est que plus intéressante si elle est explorée, si elle fait fi des conventions. Et pour des musiciens quoi de plus enivrant que de se lâcher complètement, sans calcul plutôt que de suivre connement une partition ?
Leur second album, PH Test Two, plus abouti, sera la confirmation que ces gens-là ne font rien comme les autres. Et qu’on peut être parfaitement cohérent en refusant de suivre les codes en vigueur, en traçant sa propre route.
Alors comme le suggère le sample des Tontons Flingueurs utilisé en intro de « Herbman Skank » : « On pourrait ptet s’en faire un p’ti ? Hein ? »
JL