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Jacques Higelin - BBH75 (EMI)

 

 

 

Tracklist :

 

1/ Paris-New-York, N.Y. Paris
2/ Cigarette
3/ Mona Lisa Klaxon
4/ Chaud, Chaud, Bizness-Show
5/ Est-Ce Que Ma Guitare Est Un Fusil?
6/ Une Mouche Sur Ma Bouche
7/ Oesophage Boogie, Cardiac Blues 

8/ Boxon 

 

 

 

 

Jacques Higelin (papa d’Arthur H et d'Izia), peut être considéré, à juste titre, comme un contributeur non négligeable, du déniaisement du rock français, auquel il a contribué, à une époque où le paysage musical français était d’une tristesse à pleurer.


Après avoir tourné dans quelques films pas vraiment cultes (Bébert et l’Omnibus, elle court elle court la banlieue), et enregistré quelques disques de chansons expérimentales, avec entre autres, ses potes Areski et Brigitte Fontaine, à 35 balais - plus vraiment un petit jeune -, il opère un virage musical à 180 degrés.


En décembre 1974, sort le disque BBH75, qui sont les initiales des patronymes des trois auteurs : Michel Bennaroch, Simon Boissezon, Jacques Higelin, et l’année 75 à venir.


Le son de l’album est brut de décoffrage et simple. En 35 minutes et 8 titres, Higelin va à l’essentiel et sans fioritures. Le duo de musiciens (Bennaroch et Boissezon) se partagent tous les instruments. Bennaroch sur les peaux (batterie et percussions) et harmonica, Boissezon toutes les guitares, y compris la basse. Higelin se contente des voix. Point barre.


Le début du premier titre, "Paris-New-York, New-York-Paris", est plutôt cool. Une ballade acoustique, au jeu de guitare simple et agréable. Le genre de mélodie qu’on sifflote tranquille sous la douche, qui conte l’histoire d’un type qui attend sa nana à Orly, de retour des US, elle était en retard, et là le titre part en vrille. Voix grave, profonde d’Higelin, à la gouaille parisienne qui monte crescendo, jusqu’au cri qui lance la charge. Boissezon lâche les chevaux, énergie brute, très rock. Higelin porte le morceau, présence vocale indéniable. Efficace entrée en matière.


Sur "Cigarette", second titre de l’album, Higelin version Gainsbarre, qui d’une voix traînante, fait une ode à la clope. Encore une fois, le morceau est simple, guitare et basse acoustiques, claquements de doigts, percussions sensuelles. Rythme balancé et langoureux, peinard, une ode à la paresse. Le père Jacquot demande à chacune de ses copines de le ravitailler en nicotine, et à la fin du titre, s’étouffe à moitié dans des quintes de toux de tubard. Véritable déclaration d’amour à la cigarette, comparée à la gente féminine. Chanson très drôle.


Le clou de la face A est sans conteste "Mona Lisa Klaxon". Un gros délire (ce sera son fonds de commerce, notamment sur scène) sur une nana africaine, joueuses de trombonne, qui vit sur une île entourée de jungle et d’animaux sauvages qui lors de danses tribales très sexy affolent les grands singes (sic !). Higelin jouera souvent ce morceau en concert, notamment sur des rythmes reggae, qui conviennent parfaitement au contexte. La version originale est un super rock, aux guitares mordantes (sons de klaxons) et Higelin qui hurle et gémit d’une voix suraigüe.
"Chaud bizness show" est un blues/rock lent qui clôt la face A sans génie, mais entretient la sympathie.


Intro à la pédale wah-wah et harmonica pour le morceau suivant "Est-ce que ma guitare est un fusil ?". La mélodie accroche d’entrée, et le pied bat la mesure, "juste comme ça, come on, come on" Higelin scande "Hey, je suis né dans un spasme, le ventre de ma mère a craché un noyau de jouissance et j'ai jamais perdu le goût de ça." Les percussions s’invitent ensuite à la fête. Cri d’amour (il développera ce thème à l’envi tout au long de sa carrière), ce titre est gorgé d’adrénaline, avec un Boissezon en grande forme qui fait feu de tous bois.


Higelin s’éveille d’une sieste campagnarde, en plein air, les cigales stridulent à cœur joie, dans le titre suivant "Une mouche sur la bouche". C’est une ballade flemmarde, titre écolo avant l’heure. Simple partie de guitare sèche pour Jacques, écroulé dans son hamac, qui s’ennuie ferme et chante le droit à la flemme (c’aurait pu être la bande son d’Alexandre le bienheureux). Dans son délire, il s’amourache de la mouche posée sur sa bouche, ce n’est pas Mireille la mouche de Dick Annegarn ou celle de Polnareff, mais elle le perturbe grave. Quelle mouche l’a donc piqué ?

 

"Œsophage-Boggie, Cardiac Blues" est un blues lent, rageur et agressif. Instru mordante aux guitares épaisses, batterie cognante, et voix puissante. Le groupe met les feux au rouge, et balancent du lourd. Preuve s’il en est, de la mutation opérée (et réussie) par Higelin.


Conclusion c’est le boxon. "Boxon" est le dernier morceau de l’album qui poursuit sur le même registre musical que le titre précédent. Textes directs, sur une soirée dans des endroits pas très nets. Vous avez dit Rock’N’Roll ?


En quelques années, Higelin sortira une salve de disques qui feront de lui un des chanteurs rock les plus populaires en France (fin 70’s, début 80’s), à l’instar de Lavilliers et Téléphone. Irradié ("Rock in Chair", "Irradié" avec Bertignac aux guitares), Alertez les bébés (Le minimum, Géant Jones, Je Veux Cette Fille...), Caviar et Champagne (duo d’albums jouissifs, qui comportent de grands morceaux), et figurent sans peine dans le "best of" du rock français.


Grand "performer", Higelin qui adore la scène, fera de longues tournées au fil des années, où en totale communion avec son public il livrera de grandes performances. L’album Higelin à Mogador en 1981, est un super témoignage de cette époque où le troubadour du rock français, accompagné d’une formation d’une dizaine de musiciens (dont deux batteurs !), mettait le feu dans les salles où il passait.


A partir du milieu des années 80, Higelin va alterner rock, ballades, et délires surréalistes, et revenir régulièrement à ses premières amours, la chanson. Moins passionnantes ensuite, ses livraisons futures continueront malgré tout de trouver leur public, mais l’énergie brute des premiers disques est passée, le troubadour usant et abusant de certains tics,  notamment sur scène, où il peut étirer certains titres à l’infini, égarant ainsi en route leur spontanéité.


El Padre



17/11/2012
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